Face au désert qui se prolongeait jusqu'à l'horizon devant lui, il s'était assis au sommet d'une dune, les pieds enchaînés à un écrin qui s'enfonçait profondément dans le sable. Les bras croisés autour des jambes, il posa le menton sur ses genoux.
           Une chape de plomb pesait sur sa tête.
           Calme plat. Avant la tempête...
           La jeune fille avait déchiré un pan de sa robe pour le vêtir. Comment ai-je pu en arriver là ? se demanda-t-il. Aucun souvenir ! Rien ! Rien que cette fille à peine capable d'aligner deux mots convenablement. Il passa une main tremblante sur sa nuque. Pas de bosse, pas de blessure. Juste deux prises d'interface neurales vides et ce putain de collier d'asservissement. Eh merde, on ne perd pas la mémoire comme ça ! s'exclama-t-il intérieurement.
           Un chuintement dans le sable attira son attention. À quelques mètres de là, la jeune femme s'approchait, une outre d'eau entre les mains. L'homme se releva subitement comme elle arrivait à sa hauteur. Il voulu la saisir par les poignets mais, trop vif, son élan le porta jusque derrière elle, la bousculant sur son passage. Oops, pensa-t-il. La femme tomba à la renverse et laissa s'échapper le précieux liquide sur le sol.
           - Heylle !
           L'homme tendit la main pour l'aider à se relever.
           - Ex...excuse-moi, euh... ?
           - Kaly !
           " Kaly " répéta l'homme pour lui-même. La femme saisit la main et se remit sur ses pieds.
           - Quessé qu't'as ?!
           - Je... rien... j'ai voulu... non rien, laisse. Ça va ?
           - Non ! T'as crissé l'eau dans l'sable.
           - Pardon.
           Sans savoir vraiment pourquoi, il se sentait extrêmement coupable. Une vague de repentir le submergea.
           - Pis toé, reprit Kaly, tu m'donnes-tu ton nom ?
           - Je ne le connais pas. Désolé.
           - Tu m'niaises-tu ?
           - Quoi ?
           - Tu ris de moé !
           - Non ! s'exclama l'homme. Non je t'assure. Mais, toi, tu dois savoir quelque-chose. Tu m'as vu arriver ici ?
           - Sans rire ? Tu sais pas ?
           L'homme fit demi-tour et retourna s'asseoir sur son baril.
           - Non, vraiment.
           - J'peux-tu t'appeler Fred ? Tous les Fred que j'ai connus étaient fins avec moi.
           - Si tu veux...
           - Hihihi. Okay. Quessé qu'tu veux savoir ?
           - Tout ! Tout ce que tu peux me dire sur moi : quand je suis arrivé ici, s'il y avait des gens avec moi... Je ne sais pas, des trucs comme ça. Ah, et aussi... c'est quoi ici ?
           La fille fronça les sourcils, elle semblait chercher le sens de la question.
           - Ben, c'est la caravane du maître. C't'un bon maître, il va nous vendre seulement quand on sera parqué dans une oasis. Tous les maîtres font pas ça. Mais lui oui. C't'un homme important le maître. Il connaît plein d'oasis, pis plein de gens aussi. Il voyage beaucoup.
           - Justement, où sommes-nous ?
           - Quessé qu'j'en sais moé. Quelque-part dans le Dreamland je crois.
           - Le Dreamland ?
           - Criss tu débarques d'où toé ?
           - J'aimerais le savoir...