Une salle sombre, spacieuse. Quelques spots de faible intensité essayaient
de combattre l'obscurité mais n'y parvenaient qu'en de rares endroits. Plusieurs
oeuvres d'art disséminées un peu partout prouvaient que le propriétaire des
lieux avait de l'argent, à défaut de goût. Derrière la baie vitrée, le Dôme
opaque inondait de sa noirceur un horizon déjà bouché par la fumée et les
intempéries.
Le bureau massif et peu encombré cachait un fauteuil présidentiel d'un cuir de
bonne facture dans lequel un homme s'était assis, silencieux, face à la large
baie. Il tira sur ses pieds pour avancer, son poids énorme devait le clouer à
son fauteuil, et les sustentateurs électromagnétiques se mirent en marche. Il
flotta jusqu'à la vitre et y colla le front : la ville lumière s'étendait à
ses pieds.
Son domaine.
Une série de bip-bips troubla le silence pesant. L'homme tourna lentement la
tête dans la direction du bruit. La petite diode clignotante qu'il aperçut
jetait des flashs de sang sur la console du bureau. Quelques secondes passèrent...
Balayant d'un revers les gouttes de sueur qui perlaient sur son front, un sourire
méprisant prit naissance à la commissure de ses lèvres étroites.
Des Ténèbres striées d'éclairs.
Trempé de sueur, l'homme sortit de sa léthargie dans un râle sonore. Il voulu
porter les mains à sa tête pour calmer le flot de sang derrière ses tempes.
Douleur. L'acier qui lacérait la peau de ses poignets lui apprit sa nouvelle
condition. Ses yeux s'ouvrirent comme mus par une indicible volonté étrangère
tandis que sa conscience reprenait peu à peu le contrôle de son corps meurtri.
Oui, bien sûr : les murs de pierre suintant le désespoir, le passage sombre,
les barreaux rouillés, la chaleur étouffante, les lourdes chaînes enfoncées
dans la paroi. Il avait déjà vu un tel décor des milliers de fois. Mais à
quelle occasion ? Il retomba, piteusement crucifié sur le mur. Les chaînes qui
le retenaient sonnèrent le glas de sa dignité d'homme.
Un souffle... une vapeur blanche parmi les ombres. Derrière le flou de la
souffrance l'homme crut distinguer une silhouette dans le coin le plus sombre
de la cellule. Se concentrant, il parvint à discerner les traits gracieux d'une
jeune femme à la respiration légère, endormie sur une chaise métallique dans
une posture presque obscène.